Selon une enquête menée par l’Observatoire français du catholicisme, les prêtres d’aujourd’hui sont heureux, engagés et désireux d’associer davantage les laïcs à la vie de l’Église.

Article paru dans Famille Chrétienne

Voilà enfin une enquête qui va mettre du baume au cœur des catholiques. Selon une vaste étude de l’Observatoire français du catholicisme (OFC) sur « Le sacerdoce aujourd’hui », menée en partenariat avec RCF-RND et Famille Chrétienne auprès de 766 prêtres, ces derniers n’ont jamais été aussi enthousiastes et déterminés à vivre pleinement leur vocation. Et ce n’est pas tout : cette radiographie unique en son genre, dont les résultats ont été traités et analysés par l’institut de sondage Ifop, recèle une mine de renseignements précieux sur le profil, les joies, les attentes et les défis des prêtres en France en 2025.
Origine de leur vocation, relation avec leurs paroissiens et leur hiérarchie, priorités pastorales, équilibre personnel… Jamais encore une étude n’avait pris avec autant de précision le pouls de ces hommes qui ont choisi de consacrer leur vie à l’annonce du Christ et au service du peuple de Dieu.

Les prêtres veulent se sentir utiles

Le moral des prêtres est bon donc, et même très bon. Une très large majorité d’entre eux (80%) se sentent « en paix et heureux », « fidèles à leur appel », même s’ils se reconnaissent moins « idéalistes » qu’à leurs débuts, confrontés à la réalité de leur ministère. Quelques-uns cependant, bien qu’apaisés, font état d’une fatigue ou se sentent un peu désabusés. Seuls 5 % déclarent traverser une « profonde lassitude », un « vide existentiel » ou s’interrogent sur leur vocation sacerdotale. Cette bonne santé morale s’explique en grande partie par les nombreuses sources de satisfaction que les prêtres trouvent dans leur ministère : témoins privilégiés de l’action de Dieu dans les cœurs, ils se sentent utiles, à leur place dans l’Église, et demeurent profondément attachés au Christ ainsi qu’à leur vie de prière.

Pour évacuer la pression, et éviter de sombrer dans l’épuisement, un très grand nombre de prêtres interrogés affirment avoir adopté quelques bons réflexes « anti-burnout » : 88% sanctuarisent tout le temps ou régulièrement une journée de repos par semaine, 62% « décrochent » le dimanche soir en visitant des amis ou en passant une soirée paisible seuls chez eux, et un sur deux pratique une activité sportive, intellectuelle et culturelle régulièrement. En cas de coup dur, une très large majorité de prêtres sait pouvoir compter sur des amis — qu’ils soient ou non issus du milieu ecclésial — ainsi que sur leur famille. C’est d’ailleurs auprès de cette dernière qu’ils trouvent le plus souvent un véritable lieu de ressourcement, propice au repos et à la reprise des forces (62 %), suivie de près par les communautés religieuses (57 %) et les amis (52 %).

Le triangle laïcs-prêtres-hiérarchie

S’ils sont heureux, nos prêtres n’en demeurent pas moins confrontés à de nombreuses difficultés propres à leur ministère. Et la première d’entre elles n’est ni matérielle ni spirituelle, mais… hiérarchique. Un prêtre sur cinq affirme « ne pas sentir la confiance et le soutien de son évêque ». C’est d’ailleurs avec leurs supérieurs hiérarchiques que les relations apparaissent les moins bonnes, avec un taux de satisfaction de 77 %. Effet collatéral : un prêtre sur deux exprime des craintes sur ses prochaines nominations ou missions. Cette contrariété n’efface pas les autres. Le sentiment de déclin de l’institution, le recul de la foi chez leurs contemporains, la perte de contrôle de leur paroisse, les difficultés logistiques ou encore les combats liés au célibat restent des points de friction constants chez la plupart des clercs interrogés.

Autre enseignement de cette radiographie : les attentes des prêtres se situent aux antipodes d’une posture cléricale. Pour les aider à mieux accomplir leur mission, leur première priorité est de s’entourer « d’une équipe de laïcs fiable et autonome pour les épauler » afin de se concentrer sur le cœur de leur ministère. Cette volonté de collaboration accrue passe, selon les répondants, par une meilleure formation à la gestion des conflits, à la coresponsabilité entre états de vie et à la transformation pastorale de leurs paroisses. Leur seconde priorité consiste à retisser des liens plus solides avec leur hiérarchie. Ils sont ainsi 60 % à estimer que l’écoute et le soutien paternel et confiant de leur évêque sont indispensables pour accomplir sereinement leur mission. « La relation aux laïcs et à la hiérarchie a un fort impact sur le moral des prêtres et sur le sentiment de bien accomplir leur mission, analyse Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop. Le prêtre ne peut s’épanouir que si le triangle hiérarchie–laïcs–prêtre tient en équilibre. »

Leurs priorités pour l’Eglise en France

Au-delà des considérations personnelles ou paroissiales, l’enquête de l’Observatoire français du catholicisme offre une vision claire des priorités que, selon les prêtres, l’Église en France devrait se fixer. Et assez étonnamment, la première demande de ces derniers est de pouvoir faire… leur travail. Ils sont 76% à tout simplement vouloir « faire ce que nous avons à faire là où nous sommes : célébrer, gouverner et enseigner ». Aucune aspiration révolutionnaire donc chez les prêtres.

Leur seconde demande rejoint l’actualité récente autour de l’Enseignement catholique, qui, selon eux, doit être soutenu dans sa mission d’éducation fondée sur une anthropologie authentiquement chrétienne. Ainsi, 65 % des prêtres estiment que leur présence dans les écoles privées comme dans les aumôneries de l’enseignement public constitue un axe missionnaire prioritaire, à promouvoir et à encourager — une conviction encore plus marquée chez les plus jeunes (81 % chez les 25-34 ans et 73 % chez les 35-49 ans).

Leurs cinq autres priorités, elles, sont un mélange de mesures en soutien au sacerdoce et d’actions missionnaires. Les répondants souhaitent en priorité que l’Eglise en France améliore le rapport entre prêtres et évêques (59%), promeuve l’option préférentielle pour les pauvres (58%), lutte contre l’épuisement du clergé (57%) et mette en place des actions au profit de l’éveil vocationnel (55%) et de l’évangélisation directe (54%). S’ils ne figurent pas parmi les sujets prioritaires, les abus sexuels – leur prévention et l’accompagnement des victimes – n’en restent pas moins un sujet de préoccupation important pour les prêtres français. 45% d’entre eux estiment important, sans toutefois être prioritaire, de maintenir l’effort pour la lutte contre les violences sexuelles.

Le grand écart des générations

Dernière leçon de cette observation au microscope du clergé français : le grand écart se confirme entre deux générations de prêtres, « celle de Vatican II et celle des JMJ », résume Jérôme Fourquet. Que ce soit au niveau du profil ou des aspirations, le visage de la prêtrise a littéralement été bouleversé ces quarante dernières années. « Chez les plus jeunes, le scoutisme — notamment les Scouts d’Europe — joue un rôle majeur dans le recrutement, tandis que les prêtres plus âgés évoquent davantage la vie paroissiale, le patronage ou les mouvements d’action catholique, résume Jérôme Fourquet. La jeune génération cite aussi plus souvent de grands rassemblements, comme les JMJ ou le pèlerinage de Chartres ».

Autre exemple : celui de la question sensible de la liturgie. 60% des 25-34 ans font figurer la « paix liturgique » parmi les priorités de l’Eglise en 2025 contre 31% des plus de 75 ans. Ils sont d’ailleurs 46% des moins de 34 ans à célébrer aussi en latin et ad orientem contre 18% des plus de 50 ans. Même constat sur la morale sexuelle et familiale : alors que 45% des 75 ans et plus sont favorables à son évolution, le chiffre tombe à 10% chez les 35-49 ans et 7% des moins de 35 ans. Idem pour l’ordination d’hommes mariés et l’accès des femmes à la prêtrise (28% chez les 65 ans et plus, 4% pour les moins de 50 ans). Pour Jérôme Fourquet, cette enquête confirme, s’il en était besoin, la « recomposition en cours du catholicisme » en France.